L'aventure, la mer, le bateau, où la déclinaison d'un rêve, d'une idée. Partir vers les îles, le soleil, les tropiques, choisir sa destination. Certains passent des années à dessiner leurs projets, d'autres s'envolent sur un coup de tête où hésitent toutes leurs vies, déclinent et meurent nourris de regrets. Nous, l'équipage, nous sommes entré dans ce voyage en Décembre. Départ des Sables d'Olones, l’unité de 50 pieds flambant neuf, attendait sagement amarré au ponton une ouverture météo, 4 600 milles liquides, sur lesquels on va vivre, avant de rejoindre l'anse marcel, splendide marina située sur la célèbre petite île de St Martin, 18° 07' N, 63° 02' W, way point de notre ultime destination, lieu où, bon grès, mal grès, nous devons laisser le bateau à ses propriétaires. Un convoyage, une autre réalité pour voyager...
Ponton du Vendée globe, les mouettes couchent sur le parking, mauvais signe. Chacun sort ses sacs, à l'intérieur se trouvent l'ensemble des tenus de combat, shorts, tee-shirt, pulls, lunettes, bottes, cirées et crèmes solaire, autant d'objets hétéroclites pour affronter deux fronts, la mer et la valse des saisons. L'humeur est bonne, elle cache l'appréhension du départ, ses zones d'ombres plus où moins flous, selon chacun. Inspection du bateau, attribution des cabines et rangement sont au menu de la soirée, c'est beau, c'est gros, un monocoque de cinquante pieds ! Dès le premier soir, nous dormons à bords, l'odeur du neuf flatte nos narines, et nous sommes sûr de nous lever au petit matin, ainsi nous laisserons place libre aux techniciens du chantier et le bateau sera définitivement près pour la navigation. Avant de dévaler l’Océan liquide, nous soignons l'intérieur, trois jours où chacun s'affaire à sa tache, avitaillement, plein d'eau, et couvertures de plastic "bull pack" sur les parois de la cuisine, celle des cabines, du carré, l'atmosphère de l'intérieur change, notre maison prends ses couleurs et l'heure du départ avance.
Week-end, Noël et premier de l'an, les tempêtes se succèdent, aucune fenêtre météo ne s'installe. Nous attendons patiemment garés au "trottoir" l'évolution de la situation générale, ce qui entraîne une répétition de passages à la capitainerie, téléphoner et surfer sur Internet sont les préoccupations principales, le reste du temps, nous entretenons nos premiers rapports de vie collective et ensembles nous déambulons au coeur de la ville. L'attente devient longue, les semaines passent, la vie est chère, des angoisses bassement terre à terre reviennent, mais chacun se tais face aux caprice du ciel, les photos, elles, sont reines...
Le skipper, Ronan, le second, Pierre ont déjà traversé, les néophytes en transatlantique, Aude, Fred et moi, comprenons mieux les jours précèdent le départ, la traversé du golf de Gascogne rapidement se transforme en une sorte de cauchemar estomacale, du vent, des vagues croisées, un froid humide, en ce qui me concerne tout est offert à la mer. Nous avions attendus que le cycle des dépressions disparaissent, trois semaines à comprendre l'évolution météo, notre choix de date de départ était risqué, mais calculé, mauvais calcul ! L'équipage devient deux, et de temps en temps, un des malades puisent dans ses forces intérieures pour la paix de leur âme, le repos mérité. Très vite, nous nous déroutons vers l'Espagne, le nom de Vigo se fait entendre, or le port le plus proche reste la Corogne, près de quatre jours de mer s'écoulent. Sur cette période, mon corps n'a pas refusé, deux yaourts, une pomme, un sandwich, le reste n'est que souvenir et cette soupe tomate curry, me laisse pantois, dévastatrice, des membres de l'équipage la déconseillerais fermement, interdite aux coeurs sensibles ! Temps fort de la croisière, un violent enfournement, tout vole, moi aussi, lévitation du centre du lit au seuil de la cuisine, juste le temps de voire la porte de la descente coulisser, laissant passer la vague suivante, trois cents litres d'eau entre, deux heures pleines d'écopage pour Pierre, no comment !
Puis l'aube se dessine, l'équipage monte sur le pont, devant l'enceinte de la ville, pare battages à la main, cherchant une pendille acceptable, nous avons tous hâte de nous ressourcer, manger des tapas, dormir profondément, se sécher, réparer la porte du four explosée, retrouver des lattes et attendre comme d'autres bateaux, l'horizon d'une nouvelle fenêtre météo.
Nouveau départ
L'Espagne est douce pour nos corps, 20° dans et hors de l'eau, les pleins sont faits, une de nos cuves est morte, fissurée, nous n'avons plus nos mille litres d'eau claire, l'insouciance nous permet de quitter les maux de Gascogne, un autre voyage commence, les quarts aussi...
Trois heures de responsabilité du bateau, route, usures, cap, allure, réduction de toile, moteur, collisions éventuelles, points sur la carte, météo RFI, où d'autres choix face aux évènements qui se succèdent, puis douze heures pour soi, si l'on n'appartient pas à la bordée du jour, ménages et confections des repas quotidiens, sourire et balayette à la main. Nous avançons vers Santa Cruz de Ténériffe, une île, donc un lieu qui parle à nos coeurs. L'exotisme se fait sentir, environs 8 jours de mer, on tient une moyenne proche des 6 noeuds sur la route et plus l'on avance, plus les couches de vêtements chauds se retirent. Le soleil frappe, les lunettes noires sont de circonstance. Cette rotation entraîne des séparations, croisements, ce n'est que vers sept heures, au temps universel, lors du convoité repas du soir que la convivialité ressort, rire et délires en tout genre, pas de tensions apparentes, chacun refoule ses petites contrariétés dans son coin, l'ambiance quotidienne est plutôt bonne, on s'adapte à notre nouvelle vie !
Moteur, voiles, test du spi, on glisse sur la route, trace un sillage. Nous vivons tous à nos rythmes, lectures, conversations où repos du guerrier sont nos principales occupations, hors de ses moments rares et magiques, où la nature nous gâte. Oui, parfois des parfums de secret sortent de l'eau, comme ses dauphins qui nous suivent, et ses majestueux oiseaux marins, avides, qui observent d'un regard gourmand notre poulpe nager ou la naissance, encore, de ce mystère. Ce cercle lumineux aux couleurs arc en ciel, présent là, fixe entre des nuages, sans raison précise, étrange ! Les trois sujets au mal de mer, sont surpris de la sentir de moins en moins hostile, soudain absente, indolore, alors nous prenons tous l'oeil du marin, le teint hâlé, l'esprit serein. Mais où sont les baleines ?
Cette question revient, l'envie de croiser l'énorme mammifère marin nous excite, certains pensent entendre leurs souffles, de nuit, de jour, personnellement elles semblent m'éviter, se soustraire à ma vue, alors je guette, scrute cette étendue paisible, sans fin. Quand on devine au large, les côtes espagnoles, puis celles portugaises, je passe, or pas loin derrière moi, s'écoulent de vieux souvenirs terrestre, volatiles images qui coule dans notre sillage. Imaginez que nous sommes cinq sur le bateau, or paradoxalement si seul au coeur de cet Océan de pensée, oubliant parfois la lointaine présence de nos congénères, les hommes. Des cargos nous rappellent en sortant du vide, qu'il existe un large espace derrière, on le sais, il se niche quelque part là, au sein des nuages ; ces navires passent, nous dépassent, puissants. Je retiens cette nuit près de Peniche, quand nous longeons la côte ouest du Portugal, nous filons droit au coeur d'une flottille de pêche, impressionné par cet escadron de lumière, je comprends la vigilance, la concentration nécessaire au quart, ainsi que le devoir de maîtriser, sa tête, ses jambes, si un doute s'immiscent entre les divers chemins qui se proposent. Si le doute persiste, il ne reste plus qu'à réveiller la conscience de Ronan et surtout, croyez-moi sur parole qu'il est inutile d'attendre que le vent de panique épuise toute logique. Evitons tous chocs, une des bonnes consignes de cohabitations !
Levers, couchers de lunes, de soleils, se succèdent, notre caisse de bords nous laisse le temps de vivre le ventre plein, l'esprit paisible, d'autant plus que la chasse au frais commence à payer, deux gros beaux thons sans vers parasites, plus de cinq jours de chaires fraîches à mariner, assaisonnés à toutes les sauces avant, privilège, de finir en rillettes. Un régal, certes un peu lassant parfois, mais un délice en bouche qui se lit sur le visage de certains ! La ligne retrouve sa cage, avant de sévir la prochaine fois, on respire. L'île de nos désir lève son voile, les hauts sommets de Ténériffe s'élèvent, l'escale arrive, trois orques sont là au repos, on se déroute pour mieux les apercevoir, majestueusement énorme dans leurs sommes au raz de l'eau, distance de sécurité, cent cinquante mètres, c'est-on jamais !
L'escale, puis l'atlantique
Notre moteur se calme, derniers efforts pour amarrer "aigue-marine" au ponton. Descente, visite de la région, nous avons été surpris par la présence de ses énormes bateaux usines, aux noms russes, rouillés, splendides boites de conserves prêtent à sombrer, depuis combien de temps sont-ils aux quais dans ce port ?
Pour traverser, nous devons refaire les pleins. Ici, l'eau est douce, savonneuse, elle caresse le bateau, s'écoule sur le pont, le déssalanise, et on le brosse avec vigueur, nous guettons les taches ! Ménage, bilan des réserves, réapprovisionnement, nous voilà près à grimper vers les sommets de ténériffe, visite expresse de l'endroit, tout l'équipage confiné dans l'espace étroit d'une voiture de location, pas facile, mais on s'habitue. Plus tard, en début de soirées, nos amarres glissent, les voisins salués, le moteur de nouveau bourdonne, les étoiles se cachent, le way point final s'affiche, il nous reste un peu plus de 26OO milles à parcourir. On longe les dernières îles canariennes, puis cap à l'ouest, au 260°. Là, bientôt, nous serons au milieu de nulle part, avec l'horizon, devant, derrière, les soirs, les secrets des étoiles et lumières des compas cherchent à ne pas nous perdre, nous sommes si petits au centre de l'univers ! Petit matin, le vent se lève, d'autres dauphins nous suivent, rapides, agiles dans leur nage, comme de nombreux hommes, je les aime ! Les voiles se hissent, je sais que derrière moi nous quittons la terre et je n'ai aucune idée de ce que je vais trouver à l'intérieur de ma personne, lors de ce court séjour, posés au dessus de ce désert liquide, ce désert aux couleurs changeantes, isolés sur l'océan, presque seuls devant l'étendue de ses humeurs. Le bateau avance tranquille sur la route...
Pourtant, le nombre de jours pour arriver n'est pas très fiable, selon les moyennes quotidienne, la différence d'écart sur la route, mais qu'elle importance, nous vivons sur ce monocoque depuis plus d'un mois, dont maintenant quelques vingt jours de pleine de mer. Les soucies sont loin, perdus, et nos corps ressente différemment les mouvements de la mer, nos têtes s'habituent à son contact, une harmonie certaine s'installe. Depuis peu, un bruit saugrenu hante, nos esprits, nos oreilles, il nous réveille, inquiète où nous berce selon l'humeur, puis doucement s'éteint quand les flots nous entraînent dans son sommeil profond, d'où vient-il ?
Un monstre des mers sort des profondeurs, il est noir, un aileron énorme, une baleine ? Aude et moi en discutons, apparition, disparition, il ne reviendra pas, jamais nous ne serons sûrs de sa réalité, l'ombre de ce doute planera sur le chemin, être où ne pas...
Plus nous nous éloignons de toutes terres, moins la vie se fait sentir en surface, les oiseaux sont rares, mais rapides, sternes, paille en queue, fou de Bassan, autant que je me souvienne, puis plus rien, plus que ce sentiment que les êtres sont sous la surface. Je regarde le liquide, 4 000 mètres de bleu sombre sous nous, sans doute des foyers, des palaces sous-marins. La mer, le reste d'un monde sauvage que notre technologie permet de traverser, pas de peupler. Place à la nature, pure et dure, puis au fur et à mesure que les milles défilent, la notion du temps s'estompe, nous ne sommes plus des terriens et toujours pas né poissons !
Les poissons, parlons-en, pas encore vu de rois volants, ceux qui peuplent l'océan. L''impatience de les voire accompagne ma conscience, plus tard nos regards s'habituerons à croiser leurs ballets dans le ciel, où plutôt se heurtant au cimes des vagues, avançant en ricochant. Au fonds de moi, je ris quand je compare leurs volent et ses images d'archives des prémices de l'aviation, identiques, touchant et ridicule, dangereux or je n'imaginais pas que les Winchs fracasse tête en arrêteront un dans ses pensées. Son odeur s'inscrit dans mes circuits, je réveille Fred, curieux et cuisinier de métier, il l'arrangera sauce escabèche, pour goûter. Dernière pêche, encore une bonite, une dorade verte émeraude, la joie de la prise de ses deux belles bêtes, laisse place au poulpe farceur, de plus en plus discret dans son jardin, il n'est pas encore puni. Il ne nous reste plus qu'à ramasser quelques as de l'aviation, morts sur le pont, puis les offrir à la mer...
La surprise
" La surprise ", titre du célèbre bouquin de monsieur O'brien, ces héros imaginaires nous accompagnent aussi dans leurs aventures, leurs pêches, batailles et navigations. Parfois, nous prenons les noms de ses personnages d'un autre temps, ils habitent nos consciences, voyagent au sein de nous. Dans cet océan de vide, tout de même bien remplie, nous croisons des frères de route, de nature différentes, fret en cargo, étoiles filantes, où plus rare encore, un voilier, petite tache sur l'horizon, les ondes parlent "Camélia", une connaissance, extraordinaire fruit du hasard, aucun des marins des deux bateaux n'étaient prévenu du départ de l'autre, de son trajet, échanges de mots, d'infos, de poulpes. Les paroles pleuvent, puis les chemins se séparent de nouveau, et quelques heures plus tard, la VHF n'arrivera plus à transmettre, notre pêche malheureuse. Coye coye et ses ailes noires et blanches, né paille en queue, oiseau gourmand qui s'est pris à l'appât, triste sort, disparu en mer. Le poulpe est rangé pour quelques jours, nous abandons l'idée de pêcher du frais. Les réserves tiennent, les bordées se suivent et l'on improvise des repas, nos salives reste toujours en action. Le soleil est haut, rouge, orange, jaune, et laisse peu de place à la pluie pour s'exprimer, dommages pour les douches sur le pont, mais rien de grave pour nos vies, le quotidien n'as pas tué nos cuves d'eau sans sel. Chemin faisant, quelques nuages nous impressionnent, 45 noeuds sous les grains, le gréement usé par la distance à parcourir tient, comme le bateau sous génois seul, filant parfois à plus de 10 noeuds, un luxe de vitesse, dont on à pas vraiment besoin, quand on est bien avec soi sur les flots...
L'étoile polaire se cache, pas cette tribu de rorqual commun, qui viennent faire les malins, s'agiter sous nos flashs, une heure où tous les membres de l'équipage sont sur le pont, semblables au regard de ses enfants dans leurs jeux, offrande du lieu que ce jouet qui sors d'un rêve, prendre vie, forme et conscience. Les taches blanches disparaissent, la nuit s'installe et la terre approche, quinze où seize jours d'atlantique, et toujours pas de naissances d’îles, toujours lointaines, où idées floues prêtent à venir heurter nos imaginations. Sur la carte, je cherche des rochers, paysages de Bretagne, visible où a fleur d'eau, recherches veines et inutiles, ils sont aussi rares que les îlots au milieu de l'atlantique, un moindre mal pour la sérénité de notre navigation. Le futur approche, finis les divagations, naissance des formes, des îles, Saint-Barthélèmie nous le rappelle, et déjà St Martin. Elles sont là, cachées par les nuages, rochers étranges qui ressortent de la mer, un peu de terre, Nous avions presqu'oublié ce que l'on aller chercher. Plus tard, baignade à Tintamarres, la mer nous retient dans ses bras, plus de requins dans nos peurs, le voyage est déjà loin derrière soi, dans l'inconscient de la mémoire, prêt à meubler de futures conversations, bientôt nos pieds se poserons à l'Anse Marcel, rattrapé par l'actualité de notre destination, la fin d'un voyage, retour à la civilisation, une autre réalité du quotidien. La terre approche encore, et des frégates se heurtent au ciel, splendides envergures d'ailes, pour ces oiseaux en chasse qui tournois au dessus de leurs proies. Je rêve, Ronan nous a conduit à bon port, l'étroit chenal de l'anse nous le rappel, arrivé à St martin, derrière nous s'écoulent toutes les images, devant soie, naissance d'une mer nouvelle, les caraïbes, soleil, eaux translucides, récits de pirate, mais cela, c'est encore une autre histoire...