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Je vais réussir à gagner le centre ville, la gare de Quimper, et à monter dans un bus où ma propre odeur me dérange. Je suis un putois, et les gens trouvent que je gêne. Heureusement pour moi, le chauffeur va être conciliant, et faire taire le début d’esclandre. Autant vous dire que je ne suis pas à l’aise dans ma peau. J’avais juste assez de monnaie pour rentrer, juste assez d’énergie pour me frayer un chemin dans ce retour tumultueux. Me voilà désarmé, mauvaise expérience, je n’ai plus confiance en moi, je suis triste et je souffre d’un complexe d’infériorité. Je vois bien les autres vivre, et je me demande comment ils font, comment conserver un cercle social, comment ne pas s’isoler ?

 

Absorbé par ma douleur, je suis de plus en plus solitaire, et comme je manque cruellement d’argent, impossible de ne pas me mettre en danger quand je voyage. Ainsi, ma dernière grande aventure, ce sera l’Espagne, Salou. Une conversation téléphonique a suffi, nous avons un accord, mais je croyais arriver sur un bateau avec un équipage ; au lieu de cela, je suis à la gare, un gros sac sur le dos, personne n’est venu me chercher, ce qui n’était pas prévu. Rien de grave.

Je trouve la marina, pose des questions, et trouve le bateau rouge, un petit voilier de moins de dix mètres. Le propriétaire est à bord, il s’agit d’un montagnard qui rêvait de la mer et qui vient de s’offrir son bateau. Nous discutons un peu, allons avitailler le navire, et nous nous apercevons qu’une vague empêche de sortir du port. Nous allons passer une soirée sur place, le temps de faire connaissance. Je ne suis pas amariné, alors j’angoisse, et pour meubler le vide, je bois. Tête brumeuse, le lendemain nous partons, et déjà les premières difficultés arrivent.

Mon équipier est très peu au courant des pièges de la méditerranée et ne connais pas son propre bateau. Moi, je respire sur l’eau mais je ne suis pas au point ; mon manque d’expérience en préparation de navigation est présent. Lui, il a confiance en mon A.O.C et au fait que je suis breton. Nous nous retrouvons le deuxième jour au cœur d’une tempête, je n’ai pas encore pris l’envergure du navire, certains aspects techniques m’ont dérouté car je ne connaissais pas ce genre d’équipement.

Fatigué d’être le pilote du bateau, d’être seul à la barre depuis de nombreuses heures, je décide de mettre notre coque de noix à la cap, c’est une mesure de sécurité car je n’ai plus de forces, et le second, le propriétaire, est malade comme un chien. Nous trouverons un port non sans mal, l’aventure vient de commencer et notre discorde aussi, nous allons vers le Sénégal, le détroit de Gibraltar à franchir, et nous n’avons fait que quelques milles sans pilote automatique, le moteur fanfaronne, il ne tourne pas comme une horloge, sinon le bateau est plaisant à la barre, mais nous n’évitons pas les empannages intempestifs, nous sommes à San José, piégés par le temps et la tempête.

Nous allons nous reposer. Nous refaire une santé, et poursuivre notre route. Déjà, nous avons eu de la chance de trouver une place libre dans ce port dangereux. Sur les murs d’un bistrot, nous voyons à quoi nous avons échappé, la mer qui passe les renforts du port  et la jetée qui devient un véritable danger. Nous sommes vernis des dieux, car nous étions à bout de force, tous les deux. Puisque je ne peux lâcher la barre, faire le point, je navigue à vu. À Alicante, je me souviens me tromper de port, j’ai bien vu les mâts, je cherche l’entrée mais comme la marina est dans le renfoncement de la côte, je décide de chercher le premier port.

Je suis épuisé. Je barre, et je ne dors presque plus, depuis déjà quelques jours, nous venons de passer au travers d’un coup de tabac, la grand voile a un petit accroc, rien de grave, car nous aurions pu avoir une grosse avarie. Je vois les bouts de mâts, mais nous longeons un gros cailloux qui s’avère être une presqu’île, et non pas une île. Le danger guette, la fatigue me met en hallucination, je suis dans deux mondes à la fois.

Je vois un petit port. Je pense que nous pouvons nous y abriter. Nous entrons, une vague se lève, en surf dans le port. Et puis coup d’arrêt, pas assez de fond pour la quille ; de plus les mouillages sont des cordes tendues d’un bout à l’autre, notre hélice prend dans l’un d’eux. Quelle galère ! Nous allons manger, j’ai faim mais mon estomac s’est rétréci, j’arrive à peine à ingéré une tortilla et un café, puis nous allons sur le bateau et le capitaine du port nous engueule copieusement. Heureusement, il parle bien français et grâce à son zodiac, nous sortons entre deux vagues ;

le moteur nous conduit au vrai port où nous pourrons nous changer, demander à un mécanicien de venir voir les problèmes du diesel, nous laver, et enfin dormir.

Nous nous entendons de moins en moins bien, je ne sais pas à quoi il s’attendait. Son mal de mer est énorme, il ne supporte pas le bateau, comme quoi entre rêver d’être un pirate, et l’être vraiment, il y a une énorme différence. Nous irons jusqu’à Alméria à deux ; là, il décide de recruter un autre équipier, ce sera un ami à lui. Je ne suis pas bien en sa compagnie, il n’a plus confiance, et moi je sais maintenant qu’il voulait juste m’exploiter. Je me tais. Je prend tout sur moi, et je sais que le Sénégal est bien loin.

Noël approche et les vacances avec. Lui part au Sénégal en avion, moi je reste à Alméria sur le ponton, gardien du yacht. Une semaine seul, à me nourrir comme je peux, je lis toute ma bibliothèque, je fais rire les serveurs quand je commande mon jus d’orange, et je vais même tomber à l’eau et être repêché lors d’une sortie en ville trop arrosée.

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