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Une masse sombre se tenait à quelques mètres de là. De la roche et des histoires légendaires vivaient dans ce mythe sans œil. La sorcière de pierre envoûtait les âmes de passage. Olivier tenait la main de son père, il la serrait de toutes ses forces car il voyait dans cette femme sans âge ses peurs les plus profondes. Elle sentait la mort et les naufrages, elle avait le goût du soufre et du silence.

— Son dernier voyage l’a coulée dans la pierre. Cette sorcière est l’esprit de la plage, elle surveille les hommes.

— Et le sphinx ?

— Son chat. Il voulait son pouvoir alors elle l’a transformé en monstre de pierre.

— Et c’est elle qui l’a statufié ?

— Non, le maître des ténèbres.

— Dieu ?

— Bien sûr que non, Olivier : son frère de sang, le diable.

— Cette femme était méchante ?

— Sa force venait de la haine des hommes et de ses désirs de rivières de diamants.

— Elle cherchait quoi ?

— Le pouvoir absolu !

— Je ne comprends pas.

— Cette femme que l’on dit sorcière voulait conserver la force, la grâce de la jeunesse. Elle avait de nombreux amants.

— Encore des histoires d’adultes. Décidément, je ne comprends pas…

— Alors ne t’encombre pas de ce genre de problèmes. J’oublie parfois que tu es si jeune.

— Et que je n’ai pas d’avenir !

Que dire ? Le père restait muet dans son cœur, il pleurait. Son fils avait raison, et lui il voulait se transformer en magicien et lui donner la vie… Pour une seconde fois. Il cracha puis cria en voyant le mur de vagues qui arrivait de l’ouest.

— Olivier, regarde !

— Quoi ?

— Regarde combien la mer est belle ! 

— Comme toujours…

— Demain, on ira ramasser des crabes verts.

— Et des rouges ?

— Si on en trouve ?

— Est-ce que c’est vrai que les crabes mangent les morts ?

— Qui te raconte cela ?

— Maman.

— Elle est morbide, ta mère.

— Elle ment ?

— Bien sûr que non. Mais c’est triste de penser à cela. Allez viens !

Ils marchèrent sur le sentier côtier, simplement heureux de se balader. Ils croisaient des gens qui souriaient et puis se taisaient en croisant l’enfant aux allures de vieux. Olivier savait qu’il portait une maladie qui entraînait le dégoût. À l’école, il n’avait pas d’amis. Et ici, l’enfant sentait la blessure des regards.

— Tu vois cette grotte ?

— Oui.

— Quand j’étais petit, je me cachais là. Viens voir !

L’intérieur était noir. Le son de l’eau ruisselant  sur les murs était effrayant. Olivier se serra contre l’épaule de son père, rassuré par sa présence.

— Autrefois, la grotte était pleine de chauve-souris.

— Ces bêtes me ressemblent… Elles n’ont pas de cheveux et font peur même si elles sont gentilles.

— C’est ici que j’ai rencontré Charlotte, ta mère. Elle avait peur de ces animaux, alors comme toi elle se serrait dans mes bras.

— J’aimerais bien être amoureux.

— Ne perds pas espoir !

— Je suis lucide, papa.

— Je sais bien mais je veux croire à la vie. À ta vie.

— Moi, je n’ai pas mal.

— Toi peut-être, moi si !

Le père ne pouvait pas lutter contre la nature. D’ailleurs, comment l’aurait-il pu ?  Le combat était inégal, la Mort gagnerait à coup sûr. Son fils… Huit ans, et la mort aux trousses. Olivier n’avait plus qu’un mois à vivre. Pas plus, peut-être que quelques heures.

— Ne parlons pas de cela. Vivons l’instant !

— N’oublie pas les étoiles, ce soir.

— J’ai de la mémoire, Olivier. Et demain, pêche.

— Youpi !

Plus de dents mais un sourire éclatant.

— Tu ne dis rien à maman, hein !

— Pourquoi ?

— Laisse-moi la convaincre de venir avec nous. On va lui faire la surprise.

— Chouette !

— Allez, on court !

Le train était de sénateur. Le père aurait aimé voler. Son fils sur le dos, il oubliait le fil du temps. Content, tout simplement.

— Et si on faisait un gâteau ?

— Au chocolat !

— Avec de la crème chantilly…

— Super, papa !

La cuisine était le domaine de Charlotte. Le père ne savait pas vraiment où se trouvaient les affaires, mais de placard en placard, en cherchant bien, il mit la main sur les ingrédients nécessaires à la confection de ce petit plaisir. De la farine, des œufs, du chocolat…

— Tu verses le beurre…

— C’est lourd !

— Attention, tu vas tout renverser.

— Aide-moi !

Ils oubliaient l’horreur de la condition de vie d’Olivier. L’odeur de pâtisserie s’infiltrait dans la maison, l’enfant et le père étaient juste heureux de partager le bonheur de l’instant. Quelqu’un se présenta à la porte et sonna.

— De la visite ?

— Je vais ouvrir, papa !

— Laisse, j’y vais.

Sur le seuil, un livreur souriait.

— Votre pizza, monsieur. 

— Mais, je n’ai rien commandé.

— Si, une calzone, elle est payée.

— Ce doit être de la part de ma femme. Merci.

Une belle boîte dans les mains, il revint à la cuisine.

— Olivier, tu as faim ?

— Maman revient quand ?

— Dans une heure. Mange !

— Non, je veux l’attendre.

Dehors, les premières pluies… Puis l’orage.

— Papa, j’ai peur !

— Ne t’inquiètes pas le toit est solide.

— Oui, mais pas mon cœur.

— Ne dis pas cela. Viens là !

Il serra son enfant dans ces bras. Tendresse et fragilité, le père et le fils étaient bien ensemble comme si le temps s’était arrêté sur la touche : Amour.

— Si tu devais choisir un métier Olivier…

— Je serais marchand de sourires.

— Et tu les vendrais chère ?

— Oh non… Gratuits.

— Tu ne pourrais pas en vivre alors…

— Ah bon ?

— Tout à un prix et même la liberté s’achète !

L’enfant ne comprenait pas.

— Qu’est-ce que c’est la liberté ?

— Faire ce que l’on veut quand l’on veut…

— Ah bon ? Ben je suis libre alors.

— D’une certaine façon… Dans certains pays les enfants deviennent des adultes tellement tôt qu’ils deviennent des soldats.

— Ils ont des fusils ?

— Oui, et ils sont des tueurs !

— Et ils sont libres ?

— Non, eux ne connaissent que la terreur, la force, comme valeur.

— Ce sont des enfants méchants ?

— Ils n’ont pas le choix.

— Pourquoi ?

— Souvent, ils sont nés dans des pays pauvres. La faim les tenaille, ils ne connaissent que le sang et la mort.

— Ils ne regardent pas la télévision ?

— Non, chaque jour qui passe, ils le vivent comme le dernier. Ils cherchent le respect par le choix des armes…

— Ce ne sont pas des enfants alors ?

— Si. Mais ils n’ont pas eu de chance.

— Eux, ils ne sont pas malades.

— Non, mais leur cœur l’est !

— C’est triste. Moi, je préfère les animaux.

— La tortue ?

— Elle me ressemble.

L’évidence de l’apparence, certains pensent qu’il faut s’en méfier. Seulement, la première chose que l’autre voit, c’est le physique. Olivier le savait car il était continuellement jugé sur la peur qu’il inspirait, le dégoût. L’école lui avait appris cela, que parfois les enfants sont cruels les uns envers les autres.

— Le gâteau… Il brûle !

La cuisine se remplissait d’un voile de fumée, et le père arrêta le gaz et ouvrit en grand la fenêtre pour que les volutes s’échappent. L’enfant rigolait de bon cœur.

— Ce n’est pas drôle, Olivier.

— Si, chaque fois que tu entres dans la cuisine, il arrive une catastrophe. L’autre jour, c’était le lave-vaisselle… Et…

— Ta mère ne m’a plus parlé pendant une semaine, alors si tu pouvais éviter de faire remonter ses vieux souvenirs.

— J’avais jamais vu autant d’eau. Comment une si petite machine peut contenir une quantité si…

— Arrête, je vais me fâcher.

— Je ne dirai rien à maman.

Derrière eux, le cri retentit :

— Ne me dites pas que vous avez brûlé la pizza !

— Maman !

L’enfant se précipita sur sa mère, la cajola, s’enroula autour de ses jambes. Un vrai petit chat !

— Où tu vas chercher cela ?

— Papa a fait un cake au chocolat, et moi je n’en mangerai pas.

— Un petit incident technique, Charlotte. Je t’expliquerai.

Le père s’approchait de sa femme, tout en indiquant à l’enfant de cacher les restes du massacre pâtissier. Mais Olivier ne l’entendait pas de cette oreille. Il adorait voir sa mère s’emporter et regretter ses mots, devenir douce, si douce…

— Vu l’odeur, je pense que j’ai compris…

— Veux-tu que j’ouvre une bouteille de vin ?

— C’est ça, prends-moi par les sentiments. J’angoisse dès que je quitte la maison : j’ai deux enfants, et le plus inconscient des deux, c’est toi !

— Bon, j’allume le four.

— Non, laisse-moi faire !

— Maman, tu saura allumer le gaz, papa sait le faire. C’est éteindre qu’il n’arrive pas.

Les yeux verts de Charlotte lâchaient une larme discrète qu’elle refusait d’essuyer, et elle alla serrer son enfant dans ses bras, le couvrant de doux baisers.

— Tu m’as manqué, mon amour.

— Papa nous emmène voir les étoiles, ce soir.

— Ah, bon. Mais mon chéri tu es fatigué, non ?

— J’aime la nuit.

— Mangeons, et après je vous dirai si je vous donne mon accord.

— Olivier en as très envie.

— Et alors, vous croyez quoi ? Que l’on a tout ce dont on  a envie ? Cette après-midi, je suis passée devant une agence de voyage, et je voulais m’envoler vers la Patagonie. Or, je suis là !

— La terre de feu.

— De la terre qui brûle comme les gâteaux ?

— Non, Olivier. Un pays de rêves et d’horizons si vastes que peu d’humain en ont  fait le tour.

— C’est plus grand que la Lune ?

— Plus beau. Sur la Lune, on ne trouve pas de manchots, de chevaux, de glaciers, et des lumières qui délivrent des airs d’argent à l’océan.

— Qu’est-ce qu’il y a alors ?

— De la poussière…

— Moi, j’aime la voir pleine, si ronde, si jaune, et sa lueur qui transperce la nuit.

— Ne t’inquiète pas Olivier, nous la verrons, ce soir.

— Á table.

Le repas fut aussi simple que chaleureux.  Dans le cocon, la famille devenait papillon. Ils sortirent voir l’éclat du ciel ses astres qui étincellent dans la nuit noire. Le spectacle offert par la nature constituait une oasis de plaisir pour l’enfant, et la mère. Heureux et unis, tout en écoutant le père raconter n’importe quoi.

— Connaissez-vous Cassiopée ?

— C’est où, papa ? Je ne la vois pas.

— Suis ma main, là. Le W, les six étoiles.

— Ah, oui, et alors ?

— Dieu…

— S’il existe… Lui rappela Charlotte le regard noir.

— Le créateur de la nature, au tout début de l’histoire voulu s’exprimer, car il était seul et un peu fou. Alors, il inventa l’alphabet, le langage, et dessina des lettres dans le ciel.

— Il est où le A ?

— Là, sur la droite.

— Papa. Dieu écrit plus mal que moi.

— Tu as raison. Comme, il n’était pas très fier de sa réalisation, il l’appela Hercule.

— Hercule, les douze travaux ?

— Non, Olivier. Vingt-quatre. Son fils devait écrire l’alphabet dans le ciel, et ne me demande pas pourquoi ce chiffre car nul ne le sait.

— Elles sont où les autres lettres ?

— Hercule n’était pas plus doué que son père pour le dessin, alors de son imagination naquit un dragon.

— Oh, je veux le voir.

— N’oublie jamais cela les dieux ne sont pas très fort en dessin. Suis ma main. Tu vois Hercule ?

— Oui. Enfin, je crois.

— La tête est là, Trois grosses étoiles, plus une toute petite…

— Mais papa, un dragon sa crache des flammes.

Charlotte écoutait converser ceux qu’elle aimait et n’oser rien dire conquise par le charme de l’absurde. Le vent de révolte, né de l’injustice tombée sur son fils, s’effaçait face au plaisir de l’instant.

— Des flammes qui t’as raconté cela ?

— Maman !

— Charlotte qu’est-ce que tu as encore inventé ?

— Rien d’autres que les mots inscrits dans les livres.

— Certains écrivains racontent vraiment n’importe quoi, et ta mère ne devrait pas lire ses inepties. Les dragons de Komodo ont quitté l’îles de flores, sinon nous serions allé les voir se cacher dans des trous, entre les racines des arbres de la forêt tropicale, et ne souriez pas. Vous vous moquez là…

La mère et l’enfant complice se tenait la main. En cœur :

— Mais non, continue !

— Les dragons sont des lézards géants et ils mangent des insectes…

— C’est pour cela qu’ils ont des ailes ?

— Je crois que oui… Ces reptiles dévorent tellement de petites bêtes pour assouvir leurs rêves secrets de voler.

— Et ils ont réussis ?

— Olivier ne me dis pas que tu n’en a jamais vu !

— Jamais !

— Même pas en photos ?

— Non.

— Je croyais que ses bêtes mangeaient des cerfs et des biches…

— Charlotte, tu te trompes. Et Madame je sais tout, comment ses animaux auraient des ailes ?

— C’est vrai ça, Maman.

— les poissons aussi ont des ailes, et ils mangent du plancton.

— Et alors, ça prouve rien.

— Papa. Maman. Vous dites n’importe quoi les poissons n’ont pas d’ailes mais des nageoires…

— Tu as partiellement raison, Olivier.

— Expliques lui !

— les poissons-volants sont connus pour effectuer des vols planés à partir des vagues qu’ils utilisent comme tremplins, ils se propulsent à l’extérieur de l’eau grâce à des mouvements brusques de leur queue.

— Et où ils vivent ?

— La plupart de ses poissons habitent dans les eaux chaudes, tropicales et semi-tropicales, bien que certains de leurs frères puissent être rencontrées plus au nord.

— Pourquoi, je n’ai pas de frère ?

Charlotte eut du mal à se contenir, sa respiration devint saccadée, elle savait qu’il ne verrait jamais sa sœur qui poussait dans son corps. Les médecins le lui avaient annoncé, aucune recherche en cours ne pourraient aliéner le mal qui emportait son fils.

— Tu as froid, Olivier ?

— Non, mais pourquoi…

— Demande à ton père !

— Papa…

— Parce que tu es unique.

— Et alors, moi je veux jouer…

— Revenons plutôt à nos moutons, les dragons.

— Au cirque, j’ai vu des cracheurs de feu. C’était des dragons ?

— Mais non, je te l’ai dit plusieurs fois les dragons ne savent pas faire de flammes. D’ailleurs, s’ils savaient en faire ce serait des cuisiniers-chefs. Non ?

— Euh, pourquoi ?

— Ben devine.

— …

— Pour ne plus manger froid, patate !

Le petit resta perplexe, mais comme il aimait boire les paroles de son père, c’est par une question nouvelle qu’il réagit :

— Hercule c’était un homme, papa ?

— Selon la mythologie, non.

— C’était quoi, alors ?

Charlotte le reprit :

— Qui ? Pour une personne on dit qui. Quoi, c’est pour les choses.

— D’accord, maman. Le problème c’est que si Hercule n’était pas un être humain, ce devait être une chose, non ?

— Oh, il est pas bête notre fils. Je me demande de qui il tient ?

— Pas de toi ça c’est certains…

Et elle se colla contre son homme pour réparer son affront…

— Selon la légende que lui prête, la mythologie grecque. Hercule a connu un bon nombre d’aventures qui le voient voyager à travers le monde, jusqu’aux Enfers.

— C’est quoi ?

— Un lieu où tu n’iras pas.

— Et pourquoi, je veux voyager moi et visiter l’enfer.

— Expliques-lui, ne le laisse pas sans savoir.

— Parce que tu crois que c’est facile d’expliquer à un enfant de huit ans ce que les religions peinent à expliquer aux adultes.

— Bon certains pensent qu’il existe un étang de feu.

— Oh, ce doit être beau !

Sans doute mais un peu chaud. Tu n’as pas froid.

Charlotte se fit couverture et lui dit :

— Continue.

— Perdu dans le ciel se trouve un lieu de feu éternel où, après le Jugement dernier, a été jetés le diable, et seront jetés tous les méchants de la Terre.

— Même les enfants ?

— Tous les morts, et peu importe leurs âges.

— C’est quoi le jugement dernier ?

— Ce sont les anciens qui discutent… Selon les actes de ta vie, et des règles établies, ils se concertent et décide de ton futur.

— Je vais bientôt savoir où je vais vivre, alors ?

— Olivier ne dis pas de bêtises, tu vas faire pleurer ta mère.

— Mais qui sont ses gens qui nous juges ?

— Des esprits, mon fils !

— Des fantômes comme ceux que je croise dans mes cauchemars ?

— Tu fais des cauchemars, en ce moment ?

— Quand, je suis malade que j’ai de la fièvre. Je suis poursuivi.

— Par qui ?

— Des petits bonhommes, dans les villes, les champs, sur la plage, partout ils me coursent…

— Oui. Mais ils ne te rattrapent pas, non ?

— Si. Parfois, ils se métamorphosent…

— Tu en connais des mots, toi. Métamorphose, rien que cela ?

— Ils se transforment quand je les vois. Ils discutent avec moi, ont un visage de ma couleur, et dès que je suis en confiance. Hop, le masque tombe.

— Et que font-il ?

— Ben, je l’ai déjà dis ils me courent après.

— Et si tu t’arrêtes ?

— Ils discutent.

— Tes bonhommes de la nuit, ils ne sont pas méchant alors ?

— Ben si. Puisque dès que je m’arrête, ils me retrouvent que je sois dans une maison, sur un banc, dans un avion, ou sur un pont, et ils veulent me tuer.

— Donc, tu fuis.

— Oui, le plus étrange c’est ce sentiment de trahison…

— Trahison ?

— Dans mon cauchemar, les petits bonhommes ont des couleurs, des blancs, des violets, des rouges, des verts, des jaunes…

— Et alors ?

— Ben… Dans ma tête, c’est comme aux petits chevaux, tu choisis ta couleur de départ et les autres sont tes ennemies qui cherchent à te détruire…

— Charlotte, notre fils est raciste.

— Je n’aime pas que tu plaisantes avec cela.

— Il a peur de la différence, c’est tout.

— Non, ce n’est pas cela. Ce n’est pas la couleur qui me gêne. Non, ce qui m’embête c’est le changement. Tu discutes avec un ami, et puis… Tout change…

— Sa couleur ?

— Oui, mais pas seulement. Son attitude aussi… Ils me courent après avec des couteaux, des cordes pour me pendre, et ce regard. Cette intention de faire mal.

— Tes nuits sont des enfers, mon chéri.

Assis sur la lande, ils écoutaient les vagues déferler. Petite musique sympathique qui invitait au voyage.

— Mais y a pas le feu dans mes nuits.

— Non, mais le mal te poursuis.

— Pourquoi, papa ?

— Je crois que c’est l’attirance des contraires…

L’enfant un peu perplexe cherchait le sourire de sa mère.

— Euh…

— Tu as déjà eu des aimants dans les mains, n’est-ce pas ?

— Oui, c’est rigolo, ils bougent tous seuls.

— Bon, tu as sans doute remarquer, Olivier, qu’ils s’attirent où se repoussent selon la face que tu proposes à l’autre.

— Ben, je me souviens plus.

— Oublions, les aimants. Toi, tu es gentille ?

— Parfois maman dis que non.

— Olivier, je n’ai jamais dis cela.

— Si, des fois tu me grondes.

— Ce n’est pas souvent…

— Revenons aux aimants. Les scientifiques les appelle des dipôles : ils ont deux pôles, deux faces bien identifiés, l'un nommé le pôle nord et l'autre pôle sud.

— Comme la Terre ?

— Oui, mais écoutes. Si l’on place deux aimants dans un même lieu, soit ils s'attirent, soit ils se rejettent. leurs pôles de types différents les poussent l’un vers l’autre, alors que les pôles identiques ne peuvent pas se voire.

— Et alors ?

— Le bien et le mal, tu en as entendu parlé ? Toi, tu es bon, et…

— Et les petits bonhommes de la nuit sont mauvais. Papa, j’ai compris.

Et comme par hasard, une étoile brûla dans le ciel.

— Vous avez vu ?

— Oui, une personne vient de rejoindre l’enfer, ou le paradis ?

— Ce doit-être jolie un lac de feu ?

— Olivier. L’enfer, selon la théologie, constitue un état de souffrance extrême de l'esprit humain après sa désincarnation, et cette douleur du mort est réelle pour ceux qui ont commis des horreurs dans leur vie terrestre. Selon certaines religions, ce lieu est un chemin d’éternité ou un séjour temporaire.

— C’est quoi la théologie ?

— L’étude des religions.

— Il y en a beaucoup ?

— La mort interpelle les humains et lui fait se poser des questions, ce qui construit des hypothèses, des croyances... Alors oui, sur Terre il existe de nombreuses manières de parler de celui, ou de celle, qui a construit, et régule, la vie.

— Euh, ce n’est pas très claire.

La lune quitta la scène, un instant. Le père comptait sur sa main :

— Cinq religions se distinguent des autres…

— Pourquoi, il en existe plusieurs ?

— Simplement, parce que l’humain imagine l’après vie. Il imagine, sans fondement. Dans les faits il ne sait rien, alors il propose.

— Même les vieux ne savent pas ?

— Certaines personnes deviennent des sages, ils raisonnent, mais aucun d’eux n’est en mesure de parler de la mort avec certitude.

— Elle fait peur.

— Le fait que nous soyons des animaux de chair, et de sang, éphémère sur la Terre parfois nous conduit à ne pas trouver de sens à la vie. Tu as beau construire, un jour, tu perds tout…

— La vie t’abandonne…

— Oui, Olivier, et cela sans distinction de tes actes, de tes gestes, que tu sois bon ou mauvais, tu es à égalité : un mortel.

— C’est triste.

— L’éternité serait encore plus triste, tu sais.

— Ben non. Les gens arrêteraient de pleurer…

— En gagnant l’immortalité, on perdrait ce qui donne à la vie sa valeur, sa saveur, ce fait que chaque geste compte…

— Papa, je ne comprends rien.

Charlotte voulait se baigner, devenir sirène, et ne plus rien savoir.

— Laisse-le tranquille !

— Non, maman, ces choses là m’intéressent.

— Vraiment ?

— C’est quoi une religion ?

— Des gens qui s’unissent derrière une pensée.

— De qui ?

— De ceux qui l’étudie, et transmettent la parole divine.

— Des savants ?

— Non, des curieux.

— Mais maman dit toujours que la curiosité est un vilain défaut.

— Et elle n’a pas tort, dans un sens…

— Et dans l’autre ?

— Il est dommages de ne pas vouloir s’instruire, comprendre, en tenant compte de l’expérience cumulée de toute l’humanité.

— Papa, tu dît souvent que même les vieux ne savent rien.

— Je n’ai jamais dis cela.

— Si tu l’as dis.

— Je me suis mal exprimé. Alors, disons que derrière la vie, sa naissance, il existe une énigme qui au fond n’a pas d’importance.

— Laquelle ?

— Le qui, quoi, comment…

— C’est un jeu, je ne connais pas.

— La question du qui : qui à construit l’univers ?

— Toi, papa.

— Euh non, je ne crois pas. Olivier tu connais les enfants né sous X.

— Ce sont des enfants d’une autre planète ?

— Qu’est-ce qui te fait dire cela ?

— Ben nous, nous sommes nés sous W, non ?

— Tu parles des étoiles, là ?

— Oui, celle qu’Hercule a dessiné.

Charlotte souriait, si fière de son fils.

— Tu vois bien qu’il suit.

— Naître sous X, Olivier, c’est être un bébé abandonné.

— Ah.

— Et nous pouvons considérer que nous la race humaine, nous sommes tous nés sous X, après il reste deux choix, chercher qui est X ou…

— Ne rien chercher du tout.

— Le quoi, c’est la vie. L’idée que l’on s’en fait.

— Et l’autre, le comment ?

— La recherche, ce que l’évolution des connaissances nous permet de comprendre sur la naissance des planètes…

— Parles lui du Bouddhisme…

— Et pourquoi le choix de cette religion, Charlotte ?

— Pour commencer, je suis sûre qu’Olivier ne la connaît pas.

— Si, ce sont les messieurs en toge orange.

— Qui se trompe ?

— Mea-culpa…

— Ce sont des messagers de paix comme les colombes, les crapauds, et les licornes…

Le père et la mère avait la larme du rire à l’œil.

— Le maître fondateur s’appelle Bouddha.

— Il est vivant ?

— Sa pensée traverse le temps…

— C’est rigolo.

— Tu trouves ? Selon lui, il existe des divinités mais elles ont une durée de vie et des connaissances qui comporte des limites, et le but de la vie n’est pas de leur plaire ce qui distingue cette religion des autres comme :  le Christianisme, L’Islam, et le Judaïsme.

— Bouddha c’est Dieu ?

— Non, un homme.

— Je crois que je l’ai vu en statut.

— C’est bien possible. Mais tu ne me laisses pas parler.

— Pardon.

— Ce n’est rien. Dans la conception de dieu, l’Hindouisme et le Bouddhisme se ressemblent, leurs pensées se rapprochent, ils supposent l’existence de multiples divinités, et parle d’un grand tout impersonnel. Pas de dieu, unique.

— Et les autres ?

— Un seul Dieu, mais l’islam n’est pas d’accord sur son nom…

Olivier montrait des signes de fatigue.

— Tu vois bien que tu endors le petit, montre lui Pégase.

Le père scruta l’horizon noir, et dit enfin :

— Je ne sais plus où il se cache.

— Hé ben, je vais t’aider. Que ferais-tu sans moi ?

— Rien, Charlotte.

— Bon, on sait que c’est un cheval. Cherchons-le !

Toute la famille avait le regard perdu dans les étoiles, mais ils ne trouvaient pas le mythe. Olivier, du haut de ses douze ans se montrait le plus perplexe :

— Vous me faites marcher, y a pas de cheval la-haut.

— Si, et il a des ailes.

— Je ne vous crois pas.

— Sommes-nous des menteurs ?

— Non.

— Alors, écoutes ! Pégase est un cheval blanc qui vole à la vitesse du vent, invisible et présent partout à la fois.

D’ailleurs, il caressait la dune.

— Tu le sens, Olivier ?

— Non, et je ne le vois pas.

— Ne cherche pas à l’apercevoir mais laisse le parler à tes sens, et il délivrera son message.

— Je dois être trop jeune pour qu’il s’occupe de moi.

— Mais non ne te dis pas cela, Pégase c’est le rêve de tout homme, c’est seulement en le chevauchant que l’on peut connaître le sentiment de liberté absolue.

— Comme les corneilles ?

— Drôle de parallèle, développe ta pensée…

— Elles volent et se cachent dans la nuit.

— Le hibou aussi ?

— Je ne connais pas tous les oiseaux, mais ce doit être chouette de voler.

— Hiboux ?

— Non, chouette.

Au loin, un chien livrait ses pleurs à qui voulait l’entendre.

— Dire que bientôt, je serais la-haut. Vous penserez à moi ?

Sa mère masquant un sanglot qui naissait dans sa gorge :

— Olivier, tu es notre plus beau cadeau.

— Là, tu mens maman.

— Pourquoi dis-tu cela ?

— Quand, je me regarde dans une glace. J’ai peur. Mes rides, ma peau, l’absence de dents et de cheveux. Je suis un monstre.

— Physiquement, peut-être… Mais ton cœur, Olivier.

— Il bât trop vite, et je ne peux pas courir.

— Tu es différent mais c’est aussi cette différence qui te rend plus riche…

— Mon cochon est vide.

— Sur Terre, ton modèle de visage n’est pas très en vogue. Je te l’accorde. Mais dans un autre système solaire, sur une autre planète…

— Á l’école, ils disent que j’ai une tête d’extraterrestre ?

— Tu y crois, Olivier ?

— J’ai un doute. Ce sont des histoires de grand, au cinéma. Non ?

— Là, je ne suis pas de ton avis. Réfléchi, un instant, et lève la tête.

Le petit s’exécuta :

— Et alors ?

— Comptes les étoiles !

Olivier se servait de ses doigts pour réussir son addition.

— Dix-sept, dix-huit…

— Elles sont nombreuses, non ?

— Oh, oui !

— Ne sois pas bête, ne cherche pas à mettre un chiffre sur les étoiles. L’univers à plusieurs portes, et nous ne voyons qu’une partie infime de la création.

— Toutes les planètes sont habitées ?

— La science dit que non.

— Et toi ?

— Moi, ce que j’en pense ?

Encore une vague à l’abandon qui venait mourir sur le sable.

— La Terre ne peut être le centre de l’univers.

— Et pourquoi ?

— Ça crève les yeux Olivier. L’immensité.

— …

— Quel manque d’humilité que de se croire seul au monde !

— Je ne comprends pas ce mot : Humilité.

— Tes professeurs ne t’apprennent rien à l’école ?

— Si, le calcul, la grammaire, l’histoire et les contes…

— Et si je dis modestie, tu comprends ?

— Pas vraiment…

— Si je devais définir la chose, je dirais à peu près ceci : il s’agit d’avoir le sentiment de ne pas être grand-chose, d'être petit par rapport au monde qui nous entoure.

— Ha, comme moi, alors ?

— C’est normal, tu es un enfant.

— Et petit.

— Ça ce n’est pas vraiment un handicap, tu te cognes moins souvent la tête, c’est tout…

— Et si tu tombes, tu te fais moins mal.

— Je suis nul en basket…

— Et alors ?

— Ben, j’aime bien ce jeu.

Le père sentait que le terrain était glissant, il changea d’orientation à la discussion.

— As-tu déjà entendu parlé de la naine brune ?

— Une petite-fille ?

— Non, il s’agit d’une étoile avortée.

— Je ne comprends rien, papa.

— Laisse-moi t’expliquer ! Ce sont des étoiles sans cœur.

— Des étoiles méchantes ?

— Non, elles n’ont pas le feu sacré dans leur sein.

— Ah, elles sont comme moi ! Malades.

— Si tu veux, ses étoiles sont nombreuses mais extrêmement difficiles à voir à cause de leurs faibles intensités, dans leurs vies, elles déclinent…

— Elles tombent ?

— Pas vraiment, elles baissent d’intensité et perdent leurs couleurs de naissance, de rouges elles deviennent brunes…

— Mais ce sont des naines ?

— Oui, mais seulement à cause des géantes, par comparaison. Dans les faits elles sont énormes or pas très loin, des masses passent et leur font de l’ombre.

— …

— Regarde le ciel, des milliards de planètes, des systèmes solaires, et certains rigolent et pensent que la vie existe que sur Terre.

— Elle est partout, n’est-ce pas ?

— La Terre, dans sa magnificence, ne reste qu’une poussière dans la démesure de l’univers.

— Pourquoi certains pensent que non ?

— Par peur.

Un frisson parcoura le dos du petit.

— A quoi tu penses, Olivier ?

— Aux serpents…

— La couleuvre du fond du jardin ?

— Non, ceux qui vivent dans mon corps.

Charlotte n’aimait pas les métaphores de son fils sur son mal.

— Ne dis pas de bêtises, les serpents vivent au soleil, dans les déserts, pas dans le corps des enfants…

— Je dis ce que je ressens. Les serpents me mangent de l’intérieur.

— …

De nouveau la terrible impuissance, du père, de la mère, face au mal d’Olivier.

— Ne vous inquiétez pas bientôt je serais marchand de sourires.

— Drôle de métier.

— J’aimerais tant que les gens comprennent que le plus important dans la vie, c’est de donner des sourires…

— Oui, mais toi tu veux les vendre.

— Je ne sais pas.

— Ça n’a pas vraiment d’importance l’essentiel étant de sourire, n’est-ce pas ?

— Vous savez quand j’étais à l’hôpital des clowns venaient nous visiter, et après leur passage pendant des jours on n’avait plus mal, plus peur.

Charlotte se souvenait de ses rêves.

— Olivier quand j’étais petite fille, je voulais vivre dans un cirque, jongler, jouer ?

— Et pourquoi, tu ne l’as pas fait ?

— Je n’étais pas une enfant de la balle.

Le père fier.

— Mais tu étais douée, je t’ai vu jongler.

— Arrête-tu vas me faire rougir.

— Attention papa, maman va se transformer en étoile et brûler devant nous.

— Toi, tu en as de ses idées…

— Et si on rentrait ?

— Non, tu as dit à minuit.

Parfois, il est difficile de résister à la volonté d’un enfant, surtout quand ses yeux pétillent et deviennent bulles…

— Aimes-tu les crabes ?

— Je ne crois pas, leur marche en zig et en zag me fait rire mais quelqu’un m’a dit qu’ils mangent les cadavres.

— Oh, quelle horreur !

— Sais-tu ce que je cache derrière ce mot ?

— Je sens que je vais le savoir.

— Associe un mot à chaque lettre !

— Pourquoi ?

— Pour jouer ! Le C te fait penser à quoi ?

— Le C, euh cacahouète.

— R ?

— Racket.

— Ça vient de l’école, ça ?

— Non, de la télévision.

— Ce n’est pas mieux. Et le A ?

— Ardoise.

— Tu ne penses qu’à l’argent ?

— Non, aux toits bleus des villages.

— B ?

— Bonbon.

— J’aurais dû m’en douter. Le E ?

— Ėclat.

— Bon, crabe devient en association d’idée : Cacahouète, Racket, Ardoise, Bonbon, Ėclat. Pas mal.

— Et pour toi ?

— Charlotte, Rêve, Amour, Bonheur, Ėternel.

En guise de réponse sa main sera un peu plus fort celle de son père, un geste discret et aussi efficace qu’un baiser. Charlotte savait qu’elle aimait son mari aussi pour cela, ce qu’il ne dit pas et pense tout bas.

— Changeons de sujet. Qu’est-ce que tu préfères la mer ou la montagne ?

— Les ours.

— Olivier, je te parle des vacances, là.

— Je voudrais voir des ours.

— Des blancs ou des bruns ?

— Ceux des glaces.

— Tout pour plaire, maman n’aime pas le froid.

— Dans la neige, je les trouve beaux…

— Tu ne veux plutôt pas aller voir des bêtes sauvages en Afrique, des Lions, des Gazelles, des Crocodiles, des Lynx…

— J’aime pas les moustiques.

— C’est vrai que sa pique mais les tropiques ça a du bon, tu sais ?

— Et puis, dans ses pays il y a des serpents.

— En France aussi…

— Dans mes nuits…

— Olivier, sais-tu que cet animal est le symbole de la vie ?

— Non.

— Dans certaines cultures, le serpent est le représentant de l’immortalité, de l’infini, à cause de sa forme qui rappelle les cercles de la vie, quand il se mord la queue.

— Hé, je ne me mords pas les pieds, moi !

— Heureusement. En Australie, ils parlent d’un serpent arc-en-ciel, un être qui peuple les rêves. Peut-être est-ce lui que tu croises dans ton sommeil ?

— Non, les miens sont noirs et verts émeraudes…

— Bon, et le serpent à plumes ?

— Il vole ?

— Juste les idées !

La pluie menaçait cet instant de silence. Seulement les nuages, comme Olivier, ne voulaient pas crever…

— Le ciel nous menace, rentrons !

— Non, le vent fait sa chasse et les cumulus s’en vont…

— Où ?

— Nul ne le sait !

— Hé, il va pleuvoir sur la tête des vaches dans les champs !

— Et ça te fait rire !

— Ben oui, elles n’ont pas de parapluie.

— Tu joues aux dés, Olivier ?

— Parfois, mais pourquoi ?

— Ce qui me fascine dans la création, c’est cette part de hasard, tout provient d’un accident.

— De la route ?

— De la piste aux étoiles. Par exemple, les distances qui séparent la Terre, de la Lune et du Soleil sont parfaites…

— Ah ?

— Si le soleil se rapprochait de nous, la faune et la flore ne pourraient pas survivre sous leurs formes actuelles, sans doute brûleraient-elles ?

— Nous aussi ?

— Bien sûr, et si au contraire cette distance se mettait à enfler, que pour une raison obscure, le Soleil reculait nous deviendrions tous des ours polaires.

— Quand je serais la-haut, si je croise Dieu, je lui parlerais et lui demanderais de reculer un peu le Soleil.

— Ce qui ne fera pas plaisir à ta mère.

— Pardon, je n’y avais pas pensé.

— Le problème se trouve là, les principes de réactions en chaînes, ce que l‘on appelle l’effet papillon.

— Oups. J’ai le hoquet.

— Regarde la lune. Ce caillou dans le ciel gère toute la stabilité de notre système solaire. Imagine que le vent se lève ou que cet astre bouge de juste quelques kilomètres parcequ’un Dieu éternue, et bien le monde, tel que nous le connaissons, il changerait.

— Á cause d’un rhum ?

— Petite cause grands effets, c’est le paradoxe de la vie, rien n’a d’importance, et pourtant un simple mot peut tuer…

— Papa, je ne veux pas mourir.

— Heureusement.

— Pourquoi parlais-tu du papillon ?

— Un beau lépidoptère prend son envol dans une forêt, ses petites ailes battent et rien que ses gestes, de rien du tout, changent l’atmosphère et le perturbent.

— Alors, ces animaux aussi ont de l’importance.

— Toutes les vies.

— Même les moustiques ?

— Oui, du dinosaure en passant par la puce, que l’on soit beau ou malsain, nous sommes liés et formons un ensemble.

— Et les morts ?

Le petit eu sa réponse. Sa conscience devint lumière et il quitta Terre, père et mère.

***

Le petit Olivier ne rencontra pas Dieu, ni aucun autre de ses auxiliaires. Sa pensée se fit sève, ses humeurs s’écoulaient dans les veines d’un arbre, et ainsi, il se nourrissait de la vie prenant les avis des anciens plantés dans leurs racines. Le temps passait et le petit écoutait les cris des souris-chauves. Dans sa nuit, l’enfant ne comptait plus les étoiles mais Olivier sentait l’eau, le sang des bois, et la terre. Bien que l’orage brûle sa conscience, cette dernière refusait d’alimenter les flammes et il rêvait en écoutant les feuilles frémir sous les caresses du vent. Vertige des vestiges d’une vie de petit garçon où les grenouilles jouaient à se cacher sous des nénuphars géants. Olivier ignorait les règles du hasard, sa mémoire ne mentait pas, enfouie dans ses sens il possédait un cadeau du ciel, un don : l’Amour.

 

 

   

  

 

 

 

 

 

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