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11 octobre 2006 3 11 /10 /octobre /2006 15:13
Difficile de lire un texte trop long, sur le net. Aussi, je vous propose une petite histoire ordinaire, arrivée, loin de chez nous :

La mer du Japon


La lune recouvrait la terre de sa douce lueur. Des hommes préparaient leur navire, bougeant des caisses, maniant du bout, évitant que le pont en haute mer ne devienne un piège. Quatre hommes en cirés allaient affronter les richesses de l'Océan, les requins, baleines, et autres dauphins. Les muscles saillants, le regard étroit et sec, ces hommes partaient travailler, sans états d'âmes particulier pour l'espèce de la bête traquée. Bien sûr, ils savaient que les dinosaures avaient quitté la terre. Disparus, effacés. Mais ces animaux arrogants, qui avaient arrosé la planète du faisceau de leur ombre, avaient succombé pour d'autres motifs que des excédents de quotas de pêche. Alors pourquoi se priver ?



Le moteur grondait, les harpons sommeillaient. Les amarres furent projetées sur le quai. La nuit et son toit d'étoiles éclairaient ces quatre hommes dans leur rencontre avec le destin...



L'aube qui s'approchait, rendait la mer belle. Une petite houle soulevait tour à tour la poupe et la proue du bateau, le radar ne signalait aucun obstacle, les pêcheurs traçaient la route vers leur lieu de pêche. Le danger semblait loin. La météo était particulière ce matin, particulièrement bonne. L'étrave qui casse les vagues n'était plus qu’un détail pour ces tristes gaillards endurcis par leur labeur quotidien. La mort était leur fonds de commerce. Le sang allait gicler sur le pont – les tripes, l'odeur de cette chair, les yeux qui se ferment – tout ce vacarme afin d’alimenter les palais de quelques fins connaisseurs, d’hommes qui avaient décidé qu'une soupe sans ailerons ne devait pas exister. Le massacre allait pouvoir commencer, mais pour cela les pêcheurs devraient s'armer de patience. Depuis deux heures à une moyenne de dix-sept noeuds, ils voguaient vers leur chance, vers l'espoir qu'une cargaison soit prise en monnaie d'échange. Beaucoup d'efforts et de peine pour quelques poignées de yen. Bientôt l'horizon allait se couvrir de couleurs, cultivant les regards. Le fruit de la nature, les nuages, leurs formes, le ciel allait se teinter de merveilles. La mise à l'écart des dérivés du noir, ne laissera place qu'au panel de l'arc-en-ciel, la forêt imaginaire se levait. Toutes ses couleurs généreuses qui s'élèvent à l'aube, et apportent aux animaux éveillés la conscience de l'étrange beauté de la lumière, du soleil. Nous sommes sur la mer du Japon, une mer profonde et bleue, où les poissons se nourrissent sans difficulté et alimentent le principe de chaîne. Les trente tonneaux de l'équipage nippon traversaient ce désert d'eau, toute la puissance des hommes était représentée par ce navire qui déchirait l'eau sauvage, courant sans remords vers son but du matin : recueillir son butin, quelques fruits de la mer... Sur la piste, l'avion endormi attendait sagement les prochains ordres de l'équipage. Encore un voyage à quelques kilomètres de la terre, juste au-dessus. Cet avion-cargo hissait à quelques milles de hauteur, les couleurs du sol américain. Sa tenue vert camouflage était là pour montrer qu'il appartenait à l'armée. Deux rires, des voix, les voilà, ces rudes gaillards, oubliant la chaleur, ils portaient leur sueur comme un principe, et cela valait mieux que de la peur. Crânes rasés, peaux bronzées, leurs paroles volaient, écrasant au passage la tranquillité d'un vieux pélican qui étalait ses ailes dans un faux rythme d'abandon. La liberté, eux, ils la défendaient chaque matin, alors leur consciences n'avait , ni amertume, ni peine, de gêner un oiseau dans son ultime balade, celle de sa survie quotidienne. Représentant de l'ordre mondial, ils planaient au-dessus des idées perçus. Ce matin-là, ils riaient de bon coeur, un peu d'humour vache pour cette cargaison spéciale, qu'ils ramenaient au pays. Bientôt, les grosses hélices tourneront à plus de dix milles tours/ minute, la lourde carcasse de métal prendra son vol, s'élèvera au-dessus de l'air, partira vers de nouveaux horizons.




Quand la voix de l'avion se mit à résonner, personne à son bord n'était sourd d'inquiétude, un simple vol de routine. En cette période de paix, l'engin dévorait des litres et des litres de kérosène pour survoler l’espace d’un temps, la mer du Japon, y perdre la notion du temps, et oublier les rancunes. Ce temps éclaire, où pour un Américain, voler au-dessus d'une mer portant ce nom, était insolent, plus qu'un danger. L'histoire parlait de morts. Pearl Harbor était du passé, la guerre, comme d'habitude, avait perdu tout son sens. Dans la cabine, les nombreux voyants indiquaient aux pilotes qu'ils pouvaient voyager tranquille, pas un nuage en signe d'orage, pas de vent tourbillonnant et le doux bruit des hélices qui fendaient l'atmosphère était rassurant. Du hublot les ailes s'apercevaient, se balançant lentement au son de tous ces tours d’hélices dans le vide, rien ne permettait à ces hommes d'augurer un mauvais présage. Dans la soute, la vache cherchait de la paille, les mouvements de l'air lui brassaient les mamelles. Pour un peu l'animal, mal en point, perdrait de ses couleurs, ce mélange d'origine, de taches noires et blanches. Ses yeux rouges montraient tout son mal-être, tout ce poids, ce vide de pensée, la vache avait des difficultés à surmonter les lois de l'altitude, son premier vol au-dessus de la mer devenait un naufrage...

Revenons à notre histoire, quelque part sur la mer, des marins s'affairaient à leurs affaires : tuer des poissons pour alimenter les marchés. La pêche avait commencé et des dents de requins se trouvaient en pâture sur la plage arrière du navire. Un homme arrosait le pont pour enlever toute trace de lutte, l'eau translucide allait se mélangeait au sang épais, un long filet coulait et filait vers la mer. Derrière le sillage du bateau, tout être vivant pouvait suivre les mouvements des marins, un long trait rouge coupait le monde en deux, cette pensée me laissait le regard triste : pourquoi devions-nous donc tuer pour subsister ?



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commentaires

B
Bravo Jean François , une histoire courte qui pourrait devenir un sujet.<br /> Pour un court , ou moyen métrage par exemple.<br /> Tu as toujours ton style bien à toi chose rare poèmes , romans , textes<br /> Une griffe une marque , comme un tatouage bref bravo à toi .<br /> david de Brest même "humour"
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